Assombrissement centre-bord

Image du soleil.

En astronomie, l'assombrissement centre-bord ou assombrissement du limbe est l'effet de diminution apparente de l'intensité lumineuse sur les bords d'une étoile. Cet effet est la conséquence de l'absorption et de la diffusion de la lumière émise dans la photosphère, une région externe de l'étoile d'où provient la lumière qui s'échappe de celle-ci.

Rayonnement angulaire

Répartition angulaire de la luminance à la surface d'une étoile.

Le rayonnement émis est identique (à un certain nombre de fluctuations locales près) en tout point de l'étoile. Ce qui parvient à l'observateur est émis d'un point de l'étoile qui fait un angle θ avec la normale locale à sa surface, valant 0 au centre et π / 2 à la périphérie. Le problème est donc de caractériser l'émission localement en fonction de cet angle (représentation polaire).

Rayonnement dans la partie externe de l'étoile

Le rayonnement obéit à l'équation de transfert radiatif dans un milieu caractérisé par un gradient de température de l'ordre de 10−6 K / m dans un milieu où le libre parcours moyen vaut 10−2 à 10−6 m. On considère donc le milieu proche de l'équilibre thermodynamique local caractérisé par un spectre de corps noir à la température locale T[1],[2].

On peut caractériser le rayonnement dans le milieu et donc le rayonnement sortant en supposant que les coefficients d'absorption et d'extinction sont indépendants de la longueur d'onde (milieu « gris »), ce qui constitue une hypothèse grossière. Ce calcul est analytique dans deux cas :

  • émission et absorption mais pas de diffusion,
  • diffusion seulement, la source étant situé à l'infini dans l'étoile.

Émission et absorption

Le rayonnement intégré sur toutes les longueurs d'onde obéit à la répartition suivante par rapport à sa valeur normale à la surface θ = 0

R ( θ ) = 2 + 3 cos θ 5 {\displaystyle R(\theta )={\frac {2+3\cos \theta }{5}}}

La luminance sortante est égale à celle de la source à une profondeur optique égale à cos ( θ ) : c'est la relation d'Eddington-Barbier.

Démonstration

On utilise un repère ayant pour origine la surface et dirigé vers l'intérieur de l'étoile. Le flux d'énergie est donc négatif. Compte tenu du fait que l'épaisseur de la région intéressante est petite devant le rayon on assimile le milieu à un milieu plan.

L'équation de Boltzmann en régime stationnaire et une dimension d'espace s'écrit pour la luminance L intégrée sur tout le spectre

μ d L ( x , μ ) d x = κ [ S ( x ) L ( x , μ ) ] , μ = cos θ , S ( x ) = σ T ( x ) 4 π {\displaystyle \mu {\frac {\mathrm {d} L(x,\mu )}{\mathrm {d} x}}=\kappa \left[S(x)-L(x,\mu )\right]\,,\qquad \mu =\cos \theta \,,\qquad S(x)={\frac {\sigma T(x)^{4}}{\pi }}}

où σ est la constante de Stefan-Boltzmann.

En introduisant la profondeur optique τ = κ x

μ d L ( τ , μ ) d τ = S ( τ ) L ( τ , μ ) {\displaystyle \mu {\frac {\mathrm {d} L(\tau ,\mu )}{\mathrm {d} \tau }}=S(\tau )-L(\tau ,\mu )}

On introduit l'énergie volumique E, le flux F et la pression radiative P, moments d'ordre 0, 1 et 2 de la luminance

E ( τ ) = 2 π c 1 1 L ( τ , μ ) d μ , F ( τ ) = 2 π 1 1 L ( τ , μ ) μ d μ , P ( τ ) = 2 π c 1 1 L ( τ , μ ) μ 2 d μ {\displaystyle E(\tau )={\frac {2\pi }{c}}\int _{-1}^{1}L(\tau ,\mu )\mathrm {d} \mu \,,\quad F(\tau )=2\pi \int _{-1}^{1}L(\tau ,\mu )\mu \mathrm {d} \mu \,,\quad P(\tau )={\frac {2\pi }{c}}\int _{-1}^{1}L(\tau ,\mu )\mu ^{2}\mathrm {d} \mu }

c est la vitesse de la lumière.

En multipliant l'équation de Boltzmann par 2 π μ et en intégrant sur μ on obtient

c d P ( τ ) d τ = F ( τ ) > 0 {\displaystyle c\,{\frac {\mathrm {d} P(\tau )}{\mathrm {d} \tau }}=-F(\tau )>0}

Le transfert radiatif étant supposé le seul mode de transfert d'énergie et le milieu étant stationnaire le flux est constant F = F0 et la pression s'écrit

P ( τ ) = F 0 c τ + P ( 0 ) {\displaystyle P(\tau )=-{\frac {F_{0}}{c}}\tau +P(0)}

On utilise l'« approximation à deux flux » consistant à séparer les intensités dans les deux sens de propagation opposés, méthode rendue possible par la linéarité de l'équation de Boltzmann. On note L+ la luminance constituée par une valeur angulaire constante dans le demi-espace x positif et valant 0 dans le demi-espace négatif. L- est son complémentaire. Les moments valent

E = 2 π c ( L + + L ) , F = π ( L + L ) , P = 2 π 3 c ( L + + L ) = E 3 {\displaystyle E={\frac {2\pi }{c}}(L^{+}+L^{-})\,,\qquad F=\pi (L^{+}-L^{-})\,,\qquad P={\frac {2\pi }{3c}}(L^{+}+L^{-})={\frac {E}{3}}}

En reportant dans l'équation de la pression en imposant   L + ( 0 ) = 0 {\displaystyle L^{+}(0)=0}   (pas d'énergie en provenance du milieu extérieur)

E ( τ ) = F 0 c ( τ + 2 3 ) {\displaystyle E(\tau )=-{\frac {F_{0}}{c}}\left(\tau +{\frac {2}{3}}\right)}

Le milieu est en quasi-équilibre donc

E ( τ ) 4 σ T ( τ ) 4 c = 4 π c S ( τ ) {\displaystyle E(\tau )\approx {\frac {4\sigma T(\tau )^{4}}{c}}={\frac {4\pi }{c}}S(\tau )}

Cette expression permet de connaître le profil de température T ( τ ) : T4 varie linéairement avec τ.

On peut donner[3] une solution formelle de l'équation sous forme d'une transformée de Laplace

L ( 0 , μ ) = 0 S ( t ) e t μ d t μ , μ < 0 {\displaystyle L(0,\mu )=-\int _{0}^{\infty }S(t)e^{\frac {t}{\mu }}{\frac {\mathrm {d} t}{\mu }}\,,\qquad \mu <0}

soit

L ( 0 , μ ) = F 0 4 π 0 ( t + 2 3 ) e t μ d t μ = F 0 4 π ( μ + 2 3 ) = S ( τ = μ ) {\displaystyle L(0,\mu )={\frac {F_{0}}{4\pi }}\int _{0}^{\infty }\left(t+{\frac {2}{3}}\right)e^{\frac {t}{\mu }}{\frac {\mathrm {d} t}{\mu }}=-{\frac {F_{0}}{4\pi }}\left(\mu +{\frac {2}{3}}\right)=S(\tau =\mu )}

La luminance sortante est celle du terme source à la profondeur τ = μ. De là la répartition angulaire

R ( μ ) = L ( 0 , μ ) L ( 0 , 1 ) = 3 5 ( μ + 2 3 ) {\displaystyle R(\mu )={\frac {L(0,\mu )}{L(0,1)}}={\frac {3}{5}}\left(\mu +{\frac {2}{3}}\right)}

Diffusion

Dans le cas d'un milieu purement diffusif éclairé par l'arrière (problème de Milne) la répartition angulaire vaut approximativement

R ( θ ) = 1 + 2 cos θ 3 {\displaystyle R(\theta )={\frac {1+2\cos \theta }{3}}}

La différence avec le cas précédent est très faible (voir courbe) : on peut donc penser que la diffusion ne va pas changer notablement le résultat dans le cas général.

Mesures

La comparaison aux mesures effectuées sur le Soleil[4] montre un bon accord avec l'évaluation théorique (voir courbe). Ceci est vrai pour la valeur intégrée en longueur d'onde mais ne présume en rien de ce que l'on peut obtenir pour une longueur d'onde particulière.

Explication simplifiée

Illustration de l'effet d'assombrissement au bord. Ce dessin n'est pas a l’échelle.

La couche externe du soleil, appelée photosphère, est d'une certaine épaisseur. La temperature de cette couche décroit régulièrement du centre vers la périphérie.

Cette couche est opaque au delà de L, quelque centaines de kilomètres. Lorsqu'on regarde le centre on voit la couche la plus basse (Point A), très chaude, qui rayonne beaucoup d’énergie lumineuse. mais lorsqu'on regarde la périphérie, la meme distance de penetration ne permet que de voir une couche plus élevée (point B), et donc moins chaude.

En réalité la transparence change avec la profondeur, donc L n'est que la valeur moyenne.

Références

  1. « Bases physiques de l’astrophysique », sur Observatoire Astronomique de l'Université de Genève et Laboratoire d'Astrophysique de l'EPFL
  2. (en) R. J. Tayler, The Stars : their Structure and Evolution, Wykeham Publications,
  3. (en) Subrahmanyan Chandrasekhar, Radiative Transfer, Dover Publications, , 393 p. (ISBN 0-486-60590-6, lire en ligne)
  4. (en) C. W. Allen, Astrophysical Quantities, The Athlone Press, (lire en ligne)

Voir aussi

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